Si l’existence d’EuroPsy commence à être connue en France, ce n’est pas le cas de Tuning, qui en particulier n’est pas connu des psychologues.

Qu’est-ce que Tuning :

Un mouvement déclenché par des universitaires en vue de l’application des accords de Bologne dans un sens qui tienne compte du point de vue des universités. Rappelons rapidement l’historique : en 1998, 4 ministres chargés de l’enseignement supérieur dans leur pays (Allemagne, France, Italie, Royaume Uni) font la « déclaration de la Sorbonne » : ces pays souhaitent harmoniser leurs études supérieures. En 1999, il y a 29 ministres à Bologne qui font le projet d’harmoniser les premier et second cycle universitaire dans tous leurs pays. Il est important de noter deux choses au sujet de cette déclaration : 1. Tous les ministres en question ne représentent pas un pays de l’UE, et il ne s’agit pas d’une initiative de l’UE. 2. Bologne est en contradiction avec la politique très libérale de l’UE qui vise à la concurrence universitaire et professionnelle, ce qui donne la stratégie de Lisbonne en 2000 et la directive 2005/35 qui ne vise pas à garantir la qualité des formations mais à favorisé la mobilité et la concurrence.

En 2000, un réseau d’universités européennes lance un programme de définition et de coordination de cursus universitaires. Ce réseau, piloté par l’université Deusto de Bilbao et par l’université de Groningen obtient un crédit européen Tempus Socrates. Il regroupe 105 universités en Europe dont une dizaine en France, les universités qui servent de correspondants étant Lille 1 et Lyon 2. Par la suite, Tuning se développe en Russie et surtout en Amérique Latine.

Mais que fait Tuning ? Son objectif est d’harmoniser les études supérieures en Europe. Sa devise est : « Faire converger les structures et les programmes éducatifs sur la base de la diversité et de l’autonomie ». C’est le sens du mot Tuning, mot intraduisible, que l’on peut traduire approximativement par harmonisation. Il s’agit surtout de respecter les spécificités nationales ou régionales ou linguistique ou de discipline et de ne pas imposer la même formation partout. Pour cela, le moyen est de définir les objectifs des cursus en termes de compétences à acquérir et non en termes de savoirs.

Tuning a cinq lignes d’action principales : 1/ Les compétences génériques ou aptitudes transférables ; 2/ Les compétences spécifiques à une discipline ; 3/ Le rôle de l’ECTS[i] en tant que système d’accumulation ; 4/ Les approches à l’apprentissage, à l’enseignement et à l’évaluation ; 5/ Le rôle de l’amélioration de la qualité dans le processus éducatif. Puisqu’il s’agit de donner à l’étudiant des compétences, il faut définir une compétence, ce qui n’est pas facile. La définition fournie par Tuning est la suivante : « Une compétence est une combinaison dynamique de connaissances, de compréhension, d’aptitudes et de capacités ». Et Tuning distingue deux types de compétences : des compétences génériques et des compétences spécifiques. Les premières sont celles que doit avoir acquis tout étudiant à l’issue d’un cycle d’enseignement supérieur, quel qu’il soit. Les secondes sont définies dans chaque formation universitaire.

Sur la base de ces idées, Tuning a fait une vaste enquête auprès de diplômés, d’employeurs et d’universitaires, pour hiérarchiser les compétences définies par un groupe d’experts (environ 20 000 personnes consultées). Le classement dans l’ordre des compétences les plus importantes pour les diplômés est le suivant :

  1. Capacités d’analyse et de synthèse
  2. Capacités à mettre les connaissances en pratique
  3. Capacités d’organisation et de planification
  4. Connaissances de base
  5. Connaissances fondamentales de la profession
  6. Communication orale et écrite
  7. Connaissance d’une deuxième langue
  8. Aptitudes élémentaires en informatique
  9. Aptitudes à la recherche

Les employeurs produisent un classement très corrélé (.90) à celui des diplômés, mais ce n’est pas le cas des enseignants, qui en particulier placent en premier les connaissances de base, ce qui se comprend, puisque l’objectif traditionnel de l’université est de transmettre des connaissances, pas de développer des compétences. C’est ce que veut changer Tuning, qui est pourtant un mouvement universitaire.

Les compétences spécifiques à une discipline sont produites par un groupe d’experts de la discipline, puis approuvées par le groupe d’experts de Tuning. Ils font alors l’objet d’un livret, le plus souvent disponible en version papier et électronique. En tout, une trentaine de disciplines ou de formations ont fait l’objet de tels livrets, aussi bien dans les sciences exactes (physique, chimie) que dans les sciences humaines (histoire, sciences de l’éducation, ergothérapie…). Le cas de l’histoire est intéressant, car traditionnellement, la manière de l’écrire varie fortement d’un pays à l’autre. Il a néanmoins été possible de définir des objectifs communs de formation.

Vers 2008-09 les promoteurs de Tuning ont cherché à s’ouvrir au maximum de disciplines. Concernant la psychologie, ils ont donc pris contact avec les responsables du projet EuroPsy, étant donnée la grande proximité des objectifs des deux programmes. Trois membres du groupe EuroPsy ont participé à des réunions de Tuning et la décision a été prise de rédiger un livret pour la psychologie. Ce travail a été fait par 4 membres du groupe EuroPsy et un membre de Tuning[ii]. Il comporte une description globale de la discipline et un référentiel de compétences, qui est bien sûr celui d’EuroPsy. Il a été ensuite approuvé par les experts de Tuning.

Cette approbation a pu se faire sans difficultés, parce que la philosophie de base de Tuning et d’EuroPsy est la même : harmoniser en respectant les spécificités. Il est néanmoins intéressant de noter les différences entrer Tuning et EuroPsy : Tuning est uniquement un projet universitaire, piloté par des universitaires. EuroPsy est un projet de formation professionnelle piloté par une organisation représentative de la profession : l’EFPA. Que dans ces conditions, les convergences soient aussi forte est intéressant. De ce fait, EuroPsy est relié à un réseau européen très pluridisciplinaire et très influent. Tuning a en effet une influence croissante sur la politique de l’UE en matière de formation, et par exemple, le ministère de l’enseignement supérieur français a mis au point un référentiel de compétence pour les licences. Il a eu largement recours pour cela à Tuning, et donc pour la psychologie à EuroPsy.

Adresse web de Tuning : http://www.unideusto.org/tuningeu/

Roger Lécuyer

Président du CoFraDeC EuroPsy.

 

 


[i] ECTS : European Credit Transfer System. C’est l’unité de base de calcul de l’équivalence des cursus universitaires dans les différents pays. Par définition au départ, un semestre universitaire vaut 30 ECTS. Une licence représente donc 180 ECTS et un master 120 ECTS de plus. Mais les enseignements sont plus ou moins exigeants en matière de travail étudiant selon les pays. Une évaluation de la valeur absolue du travail nécessaire a donc été ensuite proposée. Tuning estime qu’un ECTS correspond à environ 25 heures de travail étudiant, donc une année universitaire représenterait 60 x 25 = 1500 heures.

[ii] Ingrid Lunt (UK), José-Maria Peiro (Espagne), Remo Job (Italie), Roger Lécuyer (France) et Susana Gorbeña (Espagne, Tuning). Le Livret n’est disponible actuellement qu’en peu d’exemplaires sous forme papier, mais il devrait être rapidement disponible sur les différents sites web concernés.

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